Affaire Yamaguchi Maho : Apparences et Sexisme Ordinaire
Dernière mise à jour : 11 Janvier 2019
Difficile de manquer les évènements des derniers jours, depuis que Yamaguchi Maho des NGT48 a jeté un pavé dans la mare sur les réseaux sociaux le 8 Janvier dernier.
Trigger Warning : Agression
Yamaguchi est en direct sur sa chaîne SHOWROOM, et elle mentionne alors son court hiatus loin des réseaux sociaux du mois dernier, la menant à plus de confessions. Elle verse alors une larme, avouant avoir peur pour ses camarades de groupe qui travaillent dur pour les NGT48. Alors qu’elle s’apprête à ajouter plus de détails sur ce qui la mènent à une telle déclaration, la vidéo est coupée court.
Yamaguchi se rend alors sur son compte Twitter pour expliquer la situation à ses fans, ouvrant la Boîte de Pandore sur ce qui est probablement l’un des plus gros scandales des groupes AKB48 à ce jour.
Le 8 Décembre dernier, Yamaguchi Maho est agressée par deux hommes à l’intérieur de son appartement. L’un d’eux la saisit par le visage, et alors que Yamaguchi tente de se débattre, le deuxième homme sort de l’appartement voisin pour essayer de la plaquer au sol, une main sur sa bouche pour l’empêcher d’appeler à l’aide. Fort heureusement, l’idole de 23 ans arrive à s’échapper lorsque du bruit provenant de l’ascenseur fait diversion et distrait ses agresseurs.
C’est là que la situation devient encore plus sombre qu’elle ne l’était déjà : dans ses tweets (désormais supprimés, traduits en Anglais ci-dessous), Yamaguchi ajoute que non seulement ces deux hommes connaissaient son adresse et savaient exactement à quelle heure elle rentrerait de sa représentation au théâtre des NGT48, mais qu’ils ont obtenu ces informations directement d’une des membres du groupe.
Yamaguchi porte alors plainte à la police, expliquant la situation, et révélant le(s) nom(s) de ou des idole(s) impliquée(s) dans cette agression. Une autre camarade du groupe, de confiance, est présente avec elle, ainsi que un ou plusieurs membres du staff du groupe. Comme le déclare la NHK, les agresseurs sont alors arrêtés, mais malheureusement relâchés sans condamnation après avoir été entendus par la police.
I translated mahohon's tweets about this pic.twitter.com/iV4IwSKFFp
— ryan@吉田運子 (@fryan_get) January 8, 2019
tw: assault
reading her account of the attack scared the shit out of me people really need to be punished and held responsible with lasting consequences for this. like holy fucking shit. pic.twitter.com/pvsRiMOHjg
— 𝘴𝘢𝘳𝘢𝘩 (@jeauexe) January 9, 2019
Il ne suffit que de quelques heures pour les médias qui relaient son histoire, alors qu’une poignée seulement mentionnent l’implication possible de une ou plusieurs autres membres des NGT48 dans l’agression.
Les fans japonais et à travers le monde, amateurs des groupes AKB48 ou d’autres idoles, ont violemment réagi à son histoire, une majorité écrasante partageant la même opinion. Les internautes ont envoyé des milliers de tweets scandalisés accusant le management des NGT48 de traitement injuste vis à vis de Yamaguchi, et d’un manque cruel de professionalisme, manquant à protéger leur idole et étouffant tant bien que mal l’affaire. La communauté montre également leur énorme soutien à la jeune fille, la remerciant d’avoir trouvé le courage de partager son histoire.
Le 10 Janvier, NGT48 organise son concert célébrant leur 3ème anniversaire comme prévu. Les fans se sont demandés ce qu’il pourrait arriver en de telles circonstances. Alors que beaucoup sont agréablement surpris de voir Yamaguchi chanter et danser sur scène comme à son habitude, ce soulagement tourne au vinaigre alors que la jeune femme prend le micro après sa prestation. Les fans sont alors choqués de voir Yamaguchi s’excuser « pour avoir causé inquiétude chez ses fans et ses camarades » (voir la vidéo ci-dessous) puis s’incliner profondément face au public. Le concert se termine sans apparition ni commentaire de la part du management, ajoutant un peu plus de feu aux poudres.
#山口真帆
先日もお伝えした通り、私にも守りたいものがあったからこのような形で皆様に伝えることになってしまったことも、お世話になってる方々たちにも迷惑をかえることになってしまったこと、本当に申し訳なく思っております。https://t.co/xMXSntWGQN pic.twitter.com/RQE6CrgdIu— AKB48@メモリスト (@akb48memo) January 10, 2019
Ce silence troublant de la part des officiels du groupe NGT48 ne font que rendre les internautes encore plus furieux. « Pourquoi est-ce à elle de s’excuser ? », « Ce sont les adultes responsables du groupe qui devraient s’incliner sur scène », « Ce n’est en aucun cas une réponse satisfaisante à cette histoire », ainsi que de nombreux autres messages scandalisés peuvent être lus en ligne.
Des célébrités et même d’anciennes membres des groupes AKB48 commencent alors à réagir. L’ex-capitaine des NGT48 et ex-membre des AKB48 Kitahara Rie partage alors un long message sur son compte Twitter. « Tu n’as rien fait de mal », écrit-elle, dans un paragraphe subtilement adressé à Yamaguchi, « Tu n’as pas à t’excuser et le fait que ce soit toi qui ai dû t’incliner était une grave erreur ». Son message est soutenu par des centaines de fans partageant la même opinion, et la remerciant d’avoir exprimé sa colère quant à la situation.
— 北原里英 (@Rie_Kitahara3) January 10, 2019
AKS, l’agence à laquelle est associée NGT48, publie alors enfin un communiqué officiel plus tard dans la soirée.
Ils s’excusent alors pour la gêne occasionnée et d’avoir manqué à la sécurité de Yamaguchi. Ils admettent également qu’une autre membre des NGT48 est impliquée dans l’incident, qui n’aurait que accidentellement dévoilé l’emploi du temps de Yamaguchi à ses agresseurs, mais n’aurait pas partagé son adresse. L’équipe assure avoir coopéré avec la police autant que possible sur cette affaire. Les deux agresseurs, ainsi qu’un troisième homme également impliqué dans l’incident, ont tous trois été bannis de tout évènement et concert des groupes AKB48.
Nous pourrions croire que c’est là le fin mot de l’histoire, mais le mal est fait, et il n’y a pas de retour en arrière pour NGT48.
La vaste majorité des fans sont très mécontents de la manière dont NGT48 a pris la situation en main, sachant désormais que les coupables sont encore en liberté dans la nature, malgré leur arrestation et leurs aveux. Les fans étrangers du groupe ont lancé un mouvement utilisant le hashtag #JusticeForMahohon sur Twitter, suivant les traces du désormais légendaire #MeToo, beaucoup trop silencieux au Japon. Les fans nippons ont rejoint l’effort, applaudissant la communauté internationale qui ne laisse rien passer, extrêmement puissante et efficace lorsqu’il s’agit de soulever des injustices et problèmes sociaux tels que ceux-ci.
Ceci soulève donc un nombre de problèmes qui sont bien plus grands que Yamaguchi ou les NGT48.
Il s’agit là d’une entreprise ayant tenté de couper la parole à une victime et étouffer une affaire sérieuse pour sauver les apparences et garder une réputation impeccable, même si cela impliquait de se rendre complices d’un crime. Nous ne saurons malheureusement sans doute jamais qui était exactement impliqué dans cette agression. Nous ne pouvons que déplorer le manque de professionalisme de la part du management des NGT48, qui n’ont pas su protéger leur idole et employée, alors que la sécurité de ces derniers devrait être au coeur de leur devoirs et responsabilités quotidiens.
C’est également une conséquence du sexisme ordinaire auquel les femmes font face chaque jour à travers le monde entier. Cela ne relève pas juste d’un abus de pouvoir, mais aussi, par extension, de harcèlement sexuel.
Yamaguchi a dénoncé son agression plusieurs fois. D’abord à la police et au management, et maintenant, un mois plus tard, sur les réseaux sociaux, démontrant que personne, jusqu’à aujourd’hui, ne l’avait prise au sérieux. Cela nous rappelle des souvenir douloureux avec l’histoire de Tomita Mayu, idole indépendante qui s’est vue poignardée par son harceleur et a passé des semaines dans le coma, malgré ses plaintes répétées à la police. En racontant son histoire, Yamaguchi a risqué et risque encore non seulement sa carrière entière, mais également sa sécurité personnelle. Les autorités et ses managers n’ont pas su la protéger dans ce qui était et est toujours une situation extrêmement grave et dangereuse. Comme ajouté par Yamaguchi elle-même sur Twitter, “C’est parce que Imamura-san (note : le manager des NGT48) est un homme qu’il ne comprend pas ce que les femmes vivent au quotidien.”
Ce n’est pas juste une histoire d’idoles japonaises, ni juste à cause du conservatisme japonais, empêchant le mouvement #MeToo de prendre son envol dans le pays. Cela aurait pu, et peut toujours arriver à n’importe qui, n’importe quand.
Grâce au courage de Yamaguchi et à l’immense soutien que la jeune femme a reçu de l’opinion publique, beaucoup espèrent que cela pourra tirer un signal d’alarme au Japon et inspirer plus de femmes à dénoncer les injustices, menaces et violences qui font leur quotidien et se battre pour leurs droits. Nous ne pouvons qu’espérer que son histoire sera un pas de plus pour assurer la sécurité de nombreuses idoles, célébrités et femmes partout dans le monde.
Une pétition a été lancée par des fans dans la nuit du 10 au 11 Janvier, réclamant la démission du manager des NGT48 Imamura Etsuro ainsi que des excuses formelles de la part du management du groupe. A ce jour, plus de 30 000 personnes ont signé cette pétition, et le chiffre ne fait qu’augmenter.
Bonjour Idol exprime tout son soutien à Yamaguchi Maho et nous espérons qu’elle et ses camarades se sentiront en sécurité à nouveau aussi vite que possible.
Nikkan Sports, Daily Sports, NHK
Photo par Nathan Gey
Article et traduction par Melody